vendredi 26 octobre 2012

Honorer ses morts pour goûter au bonheur d'être vivant...



Des croix, des fleurs, des fruits, des bougies, de l’encens et des têtes de morts.
Où suis-je ? Au Mexique, pardi !

La foule qui se presse autour de moi remonte lentement cette rue des quartiers sud de Mérida. La fête des morts commence ce soir et va se dérouler en plusieurs étapes pendant quelques jours. 




Conchi, Anaii et Espéranza m’accompagnent à l’Ermita Santa Isabel où se regroupe une bonne partie de la ville. Il est dix-huit heures et une dame vêtue du costume traditionnel yucathèque me tend un prospectus sur lequel je lis "Paseo de las animas". Une procession va avoir lieu dans cette rue. 


Déjà je n’en crois pas mes yeux : les gens sont sur leur trente et un, beaucoup portent le costume traditionnel, une robe blanche rehaussée de fleurs multicolores pour les femmes et la chemise blanche et le chapeau blanc pour les hommes. Les enfants ne sont pas en reste et eux aussi portent la tenue. Le tout est très élégant et donne à cette foule beaucoup d’allure.


Mon regard est attiré par plusieurs autels, couverts d’offrandes, au centre desquels trône la croix catholique. J’aperçois des enfants qu’on fait prier devant un de ces autels et qu’on prend en photo. Ma première réaction est mitigée, je goûte peu cette ferveur religieuse. Mes réserves vont tomber d’un coup lorsque je vais comprendre la portée de l’évènement. 



Chacune des familles du quartier a installé un autel devant sa porte pour honorer ses morts. A côté de la croix, sont exposées les photos des disparus. Et autour de ces photos, c’est une profusion d’offrandes de toutes sortes : des fruits, des fleurs, des plats traditionnels, des boissons, des bougies, de l’encens... 

Il s’agit d’offrir au mort tout ce dont il peut avoir besoin dans l’au-delà. Cette façon d’honorer ses morts en exposant sur le pas de sa porte l’histoire de la famille et la relation qu’on avait avec les défunts est vraiment bouleversante. 


Par ailleurs, c’est aussi l’occasion pour chacune des familles de se réunir autour de l’autel, de poser pour les photographes. Je passe devant des familles qui semblent réunies au complet. Aucune tristesse dans les regards. Ce que je sens, c’est le bonheur des gens d’être là, vivants, et une certaine fierté, aussi, d’être ensemble, d’être unis, vieux et jeunes mélangés. Ce mélange des générations est très impressionnant et donne à cette fête son caractère populaire. Enfin, ce qui me séduit par-dessus tout, c’est qu’en se présentant ainsi dans la rue, dans l’espace public, chaque famille fait acte de vie et cette fête réussit le tour de force d’honorer les morts mais également, et peut-être plus encore, les vivants.

Tout à coup, voici que s’avance une mariée à tête de mort. Cette jeune fille, sur le visage de laquelle on a peint une tête de mort, est une "novia", une fiancée. 
L’image est saisissante. Et comme si cette novia avait donné le signal, les fantômes et les squelettes apparaissent de tous côtés. Ce sont, pour la plupart, des enfants et des adolescents, parfois de jeunes adultes. Les maquillages sont parfaits, réalisés avec beaucoup de soin. On devine le plaisir que prennent les jeunes à se grimer, à se costumer, et eux aussi sont très fiers de poser pour les photographes. Il y a de plus en plus de monde, l’ambiance est bon enfant, on joue de la musique, on vend et on achète de quoi se restaurer, avant de partager le pain et les offrandes en famille et avec les étrangers de passage.

La nuit tombe, les bougies s’allument une à une et l’atmosphère devient vraiment étrange. Je n’ai jamais vu ça. L’encens fait tourner les têtes et, avec tous ces morts qui m’entourent, je finis par me demander où je suis.
Les enfants s’amusent, courent dans les rues. On joue de la musique, ça parle fort, on mélange allègrement les vivants et les morts, le sacré et le profane, et la procession des âmes remonte lentement la rue. C’est magnifique. Ces ombres blanches, ces âmes qui s’avancent, ces têtes de morts, la lueur des bougies...

Je me souviendrai longtemps de ce "Paseo de las animas". La procession des âmes…

1 commentaire:

  1. Toutes ces couleurs, ces sourires me donnent envie de fuir la grisaille de notre Toussaint parisienne pour fêter joyeusement les morts avec les Mexicains. El beso de la muerte, que bueno !

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