Flânerie dans les rues de Mérida, au
hasard des rencontres... Mon but est de laisser de côté les
monuments de la ville coloniale pour me rendre dans les rues
populaires et y sentir battre le pouls de la ville. Je veux notamment
découvrir le marché, el mercado.
Départ depuis le Zocalo, la
place centrale. Visite rapide de la cathédrale. Deux statues
retiennent mon attention, la magnifique Dolorosa, si réaliste, et le
San Charbel Makhlouf, dont les bras sont recouverts de rubans
multicolores. Je m’approche et constate que ce sont des prières
d’intercession. Je lis, retiens celle-ci : « San
Charbel, te pido que ayudes a mi hijo Saïd-Emmanuel, para que pueda
comer… » le reste se perd dans les plis du ruban. (« Saint
Charbel, je demande ton aide pour mon fils Saïd-Emmanuel, pour qu’il
puisse manger. »)
Tout le Mexique est là, dans ces deux statues. Le noir et la couleur. La dévotion d’un peuple démonstratif dans ses croyances religieuses et le profane qui côtoie le sacré, lui redonne des couleurs, ici dans l’amoncellement des rubans colorés.
Sur le parvis du Palais de
l’Indépendance, je rencontre Ernesto, Mexicain volubile qui se
propose de faire un bout de chemin avec moi et qui est heureux de
m’entendre parler espagnol : « Hablar español es mejor
para ti y para mi » me dit-il (« parler espagnol, c’est
mieux pour toi et moi. »).
Il veut savoir qui je suis, d’où je
viens, pourquoi je suis là. Nous bavardons un bon moment, puis je
lui propose de le prendre en photo. Il est surpris, ne comprend pas.
Il insiste pour me prendre en photo devant les monuments et je lui
répète que c’est lui que je veux prendre en photo. Finalement il
se laisse faire, découvre la photo en disant « Ah que je suis
gros ». Et au moment où nous nous séparons, il a cette
dernière phrase : « N’achète pas dans les magasins
pour touristes, achète chez les Mayas, ils en ont besoin. »
Une dizaine de minutes de marche depuis
le Zocalo, et c’est déjà une autre ville, grouillante d’une
population laborieuse. Les commerces sont nombreux, on vend et on
achète de tout, peu d’enseignes internationales, ici dominent les
petits magasins, les échoppes et les vendeurs des rues. Me voici
dans le dédale des ruelles qui annoncent le marché. Je tombe
d’emblée dans le quartier de la viande, dont le moins qu’on
puisse dire est qu’il met les sens en émoi.
Je me retrouve dans les
légumes, rigole avec deux vendeuses qui font des mines lorsque je
leur propose de les photographier, croise un couple et sa petite
fille qui viennent se restaurer. Alejandro me présente sa femme
Magali et leur fille Priana. Je les prends en photo puis poursuis mon
chemin.
Je tombe sur Roberto, qui me fait essayer ses chapeaux.
« Francia ? Charles de Gaulle ! » dit Roberto
qui met un point d’honneur à me citer tout ce qu’il sait de la
France. « La République française ! » dit-il en
Français, de façon admirative. « Combien de Républiques en
France ? » me demande-t-il. « Trois ou quatre ? »
Questions saugrenues dans ce lieu, mais qui réconfortent quant à la
circulation et au partage des idées démocratiques. Je lui réponds
que nous en sommes à la cinquième. Je fais le geste de la main,
qu’il reproduit de son côté. Lorsqu’enfin vient le moment de la
photo, le voilà qui prend la pose, en fait des tonnes, essaie
plusieurs chapeaux, s’amuse à l’évidence. J’ai l’impression
d’être le vendeur et lui le client. Pour un peu je le foutrais à
la porte de mon échoppe. Il me tape sur l’épaule, m’appelle
Luc, nous sommes les meilleurs amis du monde. Je ne suis pas dupe, et
je mets sa sympathie sur le compte de la tactique pour me vendre un
chapeau, mais même pas. Quand je lui dis que je ne veux rien, il
laisse tomber sans insister et on dirait même qu’il s’en fout.
Il dit « Reviens quand tu veux, on va parler de la France. »
Je suis séduit par l’accueil des
Mexicains, par leur simplicité et leur générosité.
Sur le chemin du retour, coup d’œil
sur l’entrée de la Casa de Montejo, vieille maison espagnole du
XVIème et dont le portique chargé présente une sculpture
emblématique de cette époque. Un conquistador domine de sa superbe
un personnage velu à gourdin qui semble être une représentation
d’un Maya. Je suis stupéfait. Pour asseoir leur pouvoir, les
espagnols ont présenté les Mayas comme un peuple inférieur, sans
culture ni connaissance des arts. De quoi batailler avec la douleur
pendant des siècles.
Et pourquoi pas la noyer dans
l’alcool ?
Dans la rubrique « au Mexique
aussi », je tombe soudain sur la permanence des Alcooliques
anonymes.
La boucle est bouclée : de La
Dolorosa de la Cathédrale à la permanence des Alcooliques Anonymes…
une journée de flânerie dans les rues de Mérida.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Bonjour !
Si vous nous laissez des commentaires, ils seront mis en ligne par notre secrétariat après modération éventuelle.
Merci de votre compréhension.