lundi 22 octobre 2012

Au musée national d'antropologie...


Humberto m’accompagne au Museo Nacional de Antropologia. Je tiens à visiter les salles des collections mayas, avant de me rendre dans le Yucatan.

Le musée s’organise autour d’un vaste patio surmonté d’un toit plat qui repose sur une colonne décentrée. L’architecture est grandiose et se mesure à l’ensemble d’un continent. Ici, un hommage est rendu aux populations et civilisations mésoaméricaines et le bâtiment est à la hauteur de l’enjeu.

Le musée, gratuit le dimanche, est pris d’assaut par les mexicains, qui viennent en famille. Femmes, hommes, jeunes, vieux, le musée semble appartenir à ces gens qui se pressent dans les différentes salles, les traversent au pas de charge, comme pour ne rien manquer ou s’en mettre plein la vue. 

On photographie à tout va, le téléphone portable à bout de bras et tant pis si celui-ci fait écran, empêchant de voir les œuvres dans leur intégralité. Le musée est immense, il faut faire vite si on veut tout voir. Il s’agit d’emmagasiner un maximum d’informations et d’images dans les mémoires, celles des téléphones et celles des crânes, garder souvenir de ces merveilles exposées là, ces merveilles qui font partie des gens, même si c’est douloureux car tout ça c’est du passé et ici, le passé c’est compliqué. 

C’est émouvant de voir un peuple qui s’empare de son histoire et qui tente de comprendre ses racines.

Nous décidons de nous concentrer sur la partie maya. Dès l’entrée, c’est un choc. Sculptures, masques, vases, vaisselle, bijoux, le raffinement de la civilisation maya est éclatant, son système d’écriture intriguant et ses rites impressionnants. Humberto et moi-même restons stupéfaits devant une stèle représentant une scène de décapitation. Un guerrier brandit une tête, tandis que le corps du vaincu git sur le sol. J’ai pris pour un élément de costume ce qui était en fait des flots de sang… Apparition d’une classe d’adolescents. Ils prennent des notes, photographient. Sans doute va-t-on les interroger, plus tard, dans la classe. Ils passent d’une vitrine à l’autre, sans vraiment prendre le temps de regarder. Que vont-ils retenir de leur passage express devant les traces d’une civilisation disparue ? Ils prennent la pose, se font prendre en photo près des grandes stèles, dressées, représentant les dignitaires des cités mayas. Peut-être certains d’entre-eux sont-ils les descendants de ces hommes couverts de plumes et de pierreries qui devaient être vraiment impressionnants. Raccourci de l’espace-temps…




Quant à moi, je reste bouchée bée devant une stèle couverte de « glyphes », ces espèces de dessins dont on a compris tardivement qu’ils étaient une écriture. C’est réellement magnifique. J’y sens battre le cœur d’une civilisation.
Grande émotion également devant un tableau de Léonora Carrington, romancière et peintre d’origine anglaise, qui fut la compagne de Max Ernst, fréquenta les surréalistes en France, avant de s’installer à Mexico, où elle est morte il y a peu. Le hasard a voulu que je fasse connaissance avec cette romancière l’été dernier. J’ai lu deux de ses œuvres, avant d’apprendre, stupéfait, qu’elle avait peint un tableau sur la civilisation maya et qu’il était exposé au Musée d’anthropologie de Mexico. Humberto et moi-même avons passé un certain temps à sa recherche. Et quand enfin nous l’avons trouvé, je suis resté coi devant cet admirable El mundo magico de los Mayas. Peinture d’une finesse absolue, à l’imaginaire débridé, prenant à bras le corps l’histoire des Mayas : la splendeur d’une civilisation qui rayonne entre le ciel et la terre, puis son déclin brutal, sa chute dans "l’infra-monde" peuplé de créatures étranges. Je ne peux m’empêcher de penser qu’en peignant le monde des Mayas, Léonora Carrington s’adresse aussi aux mexicains d’aujourd’hui : le métissage est une richesse qui seul peut éviter le déclin des civilisations…


Et pour finir la chronique du jour, ceci  : je suis à l’intérieur du musée. Devant moi, une large baie vitrée au centre de laquelle une porte mène aux jardins. Au-dessus de la porte est inscrit le mot Maya. Je le lis par transparence, et à l’envers, car il est destiné aux visiteurs qui viennent du jardin et entrent dans les salles mayas. Ayam. Maya à l’envers. Je répète le mot plusieurs fois. Ayam. Je goûte le jeu de mot avec I am. Ayam. Je crois avoir trouvé le nom d’un de mes personnages. Je suis en voyage d’écriture. Les sens et l’imaginaire en éveil. Je ne sais pas encore ce que je vais écrire mais c’est là, quelque part. Ayam…


Demain, départ pour Mérida. Destination Mayas.