Réveil à l’aube. Je marche dans les
rues de Mérida endormie.
Je prends le bus de six heures du matin
pour Uxmal, ancienne cité Maya. Voyagent avec moi des travailleurs
mexicains et quelques rares touristes. Il est trop tôt pour les autres touristes. Tant mieux. J’ai choisi cette heure matinale pour cette
tranquillité là et pour faciliter le contact avec le lieu. Je veux
découvrir dans le calme ma première ville maya.
A l’arrivée sur
le site, ce qui me frappe ce sont les chants d’oiseaux. Des chants
inconnus, profondément beaux, que la forêt tropicale qui m’entoure
fait résonner en écho.
Tiens, c’est vrai, je suis en pleine
forêt. Ca aussi, ça me frappe, je ne m’y attendais pas. Uxmal
n’est pas si loin de Mérida, une heure et demie de bus, en
comptant les arrêts… et pourtant déjà nous sommes en pleine
forêt. Les oiseaux volent d’arbre en arbre, sans se montrer. Ils
tournent autour de moi. Parfois je vois passer un éclair de couleur
jaune, rouge, bleu… C’est magnifique. Je n’arrive pas à les
prendre en photo, ils se jouent de moi.
Entrée sur le site. Nous sommes une
petite dizaine de visiteurs. Je gravis quelques marches et tout à
coup surgit la pyramide du devin, la porte d’entrée de la ville,
époustouflante de hauteur et par sa forme ovale, unique dans le
monde maya me dit le petit guide que j’ai acheté. Elle est
imposante et cache tout le reste de la ville.
Il faut tourner autour
de cette pyramide pour découvrir une première cour, puis une
seconde, gigantesque. Je suis sous le choc. Et totalement séduit par
ces monuments, par leur conservation, leurs dimensions, la
délicatesse des sculptures. Les murs sont de toute beauté et la
lumière du soleil matinal fait ressortir leur décoration
sophistiquée.
On ne sait rien de la fonction et de l’usage de ces
monuments. Lorsque les Espagnols sont arrivés, les villes mayas
avaient déjà été abandonnées par leurs habitants. Les
archéologues ont bien quelques idées et attribuent à ce
quadrilatère des nonnes, comme l’ont appelé les Espagnols, une
fonction à la fois civique et religieuse.
Je monte les marches, me retourne vers l’esplanade pour juger de l’effet. Cette civilisation avait le sens du pouvoir, de la domination, du spectacle. J’imagine le côté grandiose des cérémonies dans un tel décor. Sans compter les costumes et les coiffes en plumes d’oiseaux, tout cela devait être vraiment impressionnant.
La pyramide principale jouxte le palais. Je gravis
ses marches et, à son sommet, j’admire encore une fois la
délicatesse des décorations.
Je me retourne à nouveau et contemple l’ensemble
du site. Implantée en pleine forêt, cette ville a un côté
magique. D’ici j’aperçois la pyramide du devin, le quadrilatère
des nonnes, le palais du gouverneur. Quel site exceptionnel ! Et
quel silence ! Exceptés quelques chants d’oiseaux, tout est
silence, tout est vide, mort. La beauté de ce
site est une beauté morte.
Conchi m’a dit : "Les
gens croient que les Mayas sont à Uxmal, à Chichen Itza, à
Palenque, mais il n’y a plus rien dans ces sites-là. Tout est
mort. Il y a plus de Mayas à Mérida qu’à Uxmal." Je
comprends ce qu’elle veut dire. Uxmal est prodigieusement beau,
mais Uxmal est vide. Je continue ma visite par le très beau
pigeonnier, ainsi appelé par les Espagnols, mais qui était en fait
un palais ; puis par le quadrilatère du cimetière, avec ses têtes
de mort gravées sur la pierre. Enfin, je termine par le jeu de
pelote, jeu caractéristique des populations mésoaméricaines. Deux
joueurs s’affrontaient et devaient envoyer une balle en caoutchouc
dans un cercle fixé au mur. L’enjeu était important puisque tout
cela se terminait par la mort d’un des joueurs, le vaincu… ou le
vainqueur ( !) . "On ne sait pas précise le guide, on sait
seulement que le jeu se terminait par la mort."
La mort, encore et toujours. La mort
qui effraie en même temps qu’elle exerce un pouvoir de
fascination.
Les Mayas semblent avoir placé la mort au-dessus de
tout. Sans doute leur civilisation avait un caractère violent, que
je retrouve dans le Mexique d’aujourd’hui. Mais je vois aussi, ancré dans ce territoire et chez cette population, le sens du sacré,
de la vie, de la fête.
Ce mélange des genres, profane-sacré,
vie-mort, c’est peut-être une façon de vivre "plus haut".
Arriba !